on the edge of a precipice

   @Faith Palmer  
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26 mars 2024. Assis dans son canapé, Edison est enfermé dans ce silence. Un silence de plomb. Le silence lourd qui pèse sur vos épaules, c’est celui qui l’entoure et l’étrangle. Jenna est partie. Henry est parti. Comme ça. D’un coup. Sans prévenir. Sans la moindre possibilité de réparer, de construire. Entre ses mains encrées, il tient une peluche de son fils. Son regard se perd sur cette dernière. A la regarder, il pourrait presque entendre les gazouillements de son fils. A la regarder, il pourrait presque sentir la peau douce de son fils entrer en contact avec la sienne. A la regarder, il se rend surtout compte du vide que son absence est en train de laisser. Edison avait voulu être le père idéal, ou au mieux … être un père potable. Henry était devenu sa priorité et comme ça, du jour au lendemain, il redevenait juste Edison … et allait devenir le père absent qu’il ne voulait surtout pas devenir. Son cœur se serre. Les doigts se resserrent autour de cette peluche et une rage gronde en lui. La peur. La colère. Les sentiments gonflent et il se lève d’un bond à la recherche de ce dans quoi on peut si facilement noyer son chagrin. L’alcool. Une recherche désespérée car il est clean et sobre depuis plus d’un an désormais ; c’est également ce que représente et dit la pièce qu’il a toujours sur lui. Les portes des armes s’ouvrent et se referment dans un fracas. Les sourcils se froncent. La pression sanguine augmente. Il est comme un lion en cage à la recherche d’une issue de secours … jusqu’à ce que son regard se pose sur les clefs de son appartement puis la porte de sortie. Dehors. Dehors, il trouvera de quoi noyer son chagrin. Au premier bar qu’il croisera, il pourra trouver la solution idéale.

C’est comme ça que nous pouvons retrouver le géant assis au comptoir d’un bar. Il y est depuis environ trente ou quarante-cinq minutes. Le dos légèrement arrondi. Le regard rivé sur ce verre de whisky. Il n’a pas osé le toucher. Il est arrivé en sprint, a commandé de manière brusque et finalement, il est désormais sur pause. Son regard se pose sur ce verre et il sait le goût que ce liquide ambré aura … il sait que ça lui brûlera la langue, lui fera fermer les yeux, détendra ses muscles. Il sait également que c’est ce qui causera sa chute. Les paupières se ferment. Les doigts caressent le verre un instant pour finalement le porter sous son nez. Le parfum du liquide ambré … envoutant. Il serre les dents repose le verre pour finalement faire ce qu’il aurait dû faire il y a plus d’une heure : crier à l’aide. Faith. Il lui envoie un message, un appel au secours, lui donnant le nom du lieu où il se trouve sans plus d’informations puis pose son téléphone à côté de son verre. Son regard alterne entre le fond d’écran : Henry qui sourit et ce putain de verre qui lui aussi lui sourit.

« Ça va, buddy ? », demande le serveur en désignant du regard le verre qu’il n’a pas encore touché. Edison relève la tête, acquiesce silencieusement. Non, il ne va pas bien. Plus rien ne va. Il est au bord du précipice. Un soupir et les coudes viennent rencontrer le comptoir, il cale sa tête entre les paumes de ses mains et attend … attend sans savoir ce qui va se passer, sans savoir combien de temps il sera capable d’attendre. Il attend tout en se demandant : et si ? et s’il buvait ne serait-ce qu’une gorgée ? à quoi bon être sobre, être clean pour pouvoir vivre une vie comme celle-ci ? pourquoi ne serait-pas positif que d’endormir ces sentiments … ?

Faith était devant son ordi depuis beaucoup trop longtemps. Elle devait terminer de remplir le dossier de la famille de la jeune fille qu’elle avait rencontré aujourd’hui. Ces derniers lui avaient été référé par Diego, le résident en hémato-oncologie qu’elle avait rencontré quelques fois pour des dossiers spécifiques. La rencontre avait été longue et émotive. La jeune fille de huit ans faisait une récidive de son cancer et elle ne voulait plus faire les traitements. Les parents avaient pleuré, crié, essayé de la raisonner… Faith avait dû mettre de l’ordre, tenter de désamorcer la crise et faire en sorte que tout le monde puisse écouter les arguments des autres. Après deux longues heures, tout le monde était reparti du bureau de la quinquagénaire apaisée, et l’enfant avait accepté de repenser à tout ça de son côté. La partie n’était pas gagnée, Faith le savait, mais au moins, elle avait passé d’un non catégorique à un peut-être et c’était déjà un pas vers l’avant. Elle leur avait donné la semaine pour se remettre de leur première rencontre et avait planifié un suivi dans sept jours. D’ici là, Faith espérait que la jeune fille aurait décidé de commencer les traitements. Toutefois, même si elle espérait reçevoir une réponse positive, l’assistante sociale savait bien que son boulot n’était pas de convaincre l’enfant de dire oui, mais bien de s’assurer que sa décision était bien éclairée. Et dans l’éventualité où les parents décidaient quand même d’aller vers de l’avant et d’obliger les enfants à suivre les traitements, Faith devait alors être en support, écouter les enfants et tenter de les amener à collaborer sans trop de résistance, mais c’était le bout de son travail qu’elle aimait le moins.
Alors qu’elle était en train de mettre les derniers points dans le dossier de sa jeune cliente, elle reçut un sms d’Edison. Son coeur se mit à battre un peu plus rapidement. Souvent, quand il lui écrivait ou qu’il l’appelait, c’était plus souvent qu’autrement parce qu’il n’allait pas bien, qu’il avait le goût de rechuter. Elle ouvrit le message et y trouva seulement une adresse. Elle fit ni une ni deux, ramassa ses choses et sauta dans sa voiture pour se diriger là où Edison semblait avoir besoin d’aide. Lorsqu’elle arriva à destination, elle constata qu’elle se tenait devant un bar. Elle était tout de même contente d’être dans une période où elle se sentait solide. Elle n’aurait pas à gérer sa propre envie de boire de l’alcool. Elle entra alors dans le bar, d’un pas décidé. Elle balaya la salle du regard et aperçut l’homme au bar, le dos voûté. Elle se dirigea directement vers lui, tira le banc qui se trouvait à ses côtés et s’assit. Elle remarqua le verre de whisky en avant de lui qui semblait encore plein. Il n’avait pas l’air d’avoir bu avant qu’elle arrive. Il avait toutefois bien mauvaise mine. Elle commanda un verre de jus de canneberge et tourna son regard vers Edison. ”On peut parler, comme je peux seulement te tenir compagnie. C’est ta décision, mais qu’est-ce que tu en dis si on retourne le verre pour commencer ?”

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26 mars 2024. Quand elle apparaît à côté de lui et qu’il finit par tourner la tête dans sa direction, il n’y a pas de scène miracle. De moment de prise de conscience. De soulagement. Elle n’est pas le Messie comme certains pourraient l’imaginer quand on parle d’aide entre alcooliques. Non. Les traits de son visage ne changent pas. Il se contente de l’observer tout en imaginant à quoi il ressemble : une loque humaine, un déchet, un échec, un mec au bord du précipice, la représentation physique du mot pathétique. Il prend un profond soupir. Faith n’est pas le messie, elle est l’âme amie, elle est le soutien perpétuel, elle est celle qui comprend, celle qui ne juge pas. Elle est celle avec qui il ose se présenter comme ça car elle ne connaît que cet homme-là : celui en perpétuel conflit contre ses démons qui ont fini avec les années par faire partie de lui. « On peut parler, comme je peux seulement te tenir compagnie. C’est ta décision, mais qu’est-ce que tu en dis si on retourne le verre pour commencer ? » Son regard se pose alors sur le verre qu’il n’avait pas encore touché, qui était juste devant lui pour lui tenir compagnie … pour lui montrer cette porte ouverte sur l’oubli. Les paupières se ferment un instant et un long soupir s’échappe de ses lèvres. « J’y ai pas touché », commence-t-il par dire comme pour se justifier. Il ne veut pas se justifier face à Faith, non. Il veut se justifier face à l’Univers, il veut démontrer qu’il n’est pas si minable que ça dans le fond. Doucement, il se redresse et finit par faire glisser le verre un peu plus de l’autre côté du bar sans dire un mot. « Elle me l’a pris, Faith. Jenna est partie avec Henry … », les sourcils se froncent alors qu’il parvient doucement à mettre des mots sur ses sentiments, sa voix est un murmure, grave mais basse, « elle refuse de me le laisser ici. C’est mon fils, Faith. Je n’avais jamais voulu être père, je n’avais jamais imaginé être père mais je le suis devenu … pour lui … avec lui … il est devenu mon tout, Faith, et elle me l’a pris … », sa raison de vivre. Un poing se serre et il finit par se taire pour se concentrer sur cette foutue larme qui est venue se caler dans un coin de son œil.

« A quoi ça sert d’être clean pour cette vie là … », il hausse les épaules et finit par la regarder, cherchant son regard pour y trouver une réponse.

Ce bar, elle le connaissait beaucoup trop bien. Elle y avait mis les pieds si souvent lorsqu’elle buvait que même le barman l’avait reconnu. Cet endroit lui rappelait de bien mauvais souvenirs, mais en même temps, il lui rappelait également Cade. Elle avait vécu des moments qui lui rendait l’âme plus légère avec lui alors qu’elle était perdue dans le tourbillon de l’alcool, de la dépression et de la douleur. Toutefois, elle ne pouvait pas se perdre dans ses pensées et ses souvenirs puisqu’elle avait devant elle un jeune homme qui souffrait sans aucun doute et qui lui avait demandé de l’aide. Elle se devait de lui accorder toute son attention et de ne pas retourner dans ses propres souffrances. Bien qu’elle l’avait déjà vu mal en point, elle était pas mal certaine que cette fois-ci était pire que toutes les autres et elle se demandait bien ce qui pouvait le mettre dans cet état. « J’y ai pas touché » Elle hocha de la tête. Elle savait qu’il n’y avait pas touché puisque le verre n’avait pas de coulisse humide le long des parois. Et même s’il en avait bu quelques gorgées, elle ne lui aurait pas fait de sermon et n’aurait pas été déçue de lui non plus. Elle savait que les rechutes faisaient partie de la guérison. Elle-même avait rechuté maintes et maintes fois avant d’être complètement sobre depuis quelques années. Elle était toutefois soulagée qu’il repousse le verre vers le barman qui le reprit sans rien dire. « Elle me l’a pris, Faith. Jenna est partie avec Henry … » Faith se raidit. Elle comprenait maintenant toute la douleur qu’il éprouvait. Elle avait ressenti exactement la même lorsque l’assistante sociale était venue chercher Ella dans son petit appartement crasseux qu’elle avait de la difficulté à payer avec son salaire de danseuse nue. Elle eût l’impression d’être propulsée en arrière et de sentir son coeur se déchirer à nouveau. « Elle refuse de me le laisser ici. C’est mon fils, Faith. Je n’avais jamais voulu être père, je n’avais jamais imaginé être père mais je le suis devenu … pour lui … avec lui … il est devenu mon tout, Faith, et elle me l’a pris … » Elle fut sortie de ses pensées et de ses souvenirs lorsqu’il reprit ses paroles. Elle mit sa main sur celle d’Edison, chercha ses yeux. Elle devait s’assurer qu’il comprendrait ce qu’elle lui dirait. « Si c’est ce que tu veux, tu vas te battre et je vais t’aider à retrouver ton fils. Tu es son père et tu as des droits. » Elle savait que ce serait un long combat, mais avec son métier, elle connaissait un peu mieux les lois et elle saurait sans aucun doute lui trouver un avocat qui accepterait de l'aider. « A quoi ça sert d’être clean pour cette vie là … » Il ne connaissait pas son histoire et elle ne savait pas si elle devait lui en parler. Il la trouverait probablement égoïste et sans coeur de ne pas s’être battue pour Ella. Elle avait choisi l’alcool à la place de sa fille et ça l’avait détruite pendant des années. Ce n’était pas ce qu’elle espérait pour lui. « Je sais que tu ne vois pas d’issu pour l’instant. Et je sais que ça fait mal. Crois-moi, je sais exactement comment tu te sens. Mais Edison, tu dois rester clean si tu veux avoir l’espoir de retrouver la garde d’Henry. Tu dois démontrer aux services sociaux qu’il va être en sécurité avec toi. Henry était ta raison pour rester sobre et il doit le demeurer. » Elle était prête à l’aider à mener la bataille qu’elle avait refusé de mener à l’époque.

@Edison Dorn:

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26 mars 2024. Mettre des mots sur sa peine a l’effet d’une douche froide, glaciale. Mettre des mots sur cette amputation rend les choses encore plus réelles. Son fils ne vit plus avec lui. Il ne peut pas lui dire bonne nuit. Il reçoit quelques photos, parfois, quand elle y pense. Un soupir s’échappe de ses lèvres et son regard s’écrase sur la main de Faith qui vient se poser sur la sienne avant de finalement retrouver son regard. « Si c’est ce que tu veux, tu vas te battre et je vais t’aider à retrouver ton fils. Tu es son père et tu as des droits. » Ses paroles sont si sensées et rationnelles, il le sait et aimerait les croire. Bien sûr que c’est ce qu’il veut, il ne veut pas être un « mauvais père ». Il ne veut pas reproduire l’échec de son père. Il ne veut pas être un inconnu. Il ne veut pas que son fils grandisse en se disant qu’il ne comptait pas, qu’il n’était important à ses yeux. Il se le refusait. Il s’était engagé. Il avait décidé d’endosser ce rôle et d’en prendre les responsabilités. Il a des droits. Il le sait. Olive lui en a également parlé mais il sait également que son passé, son emploi, son apparence ne jouent pas en sa faveur si Jenna décide de mener une guerre contre lui. « Je sais que tu ne vois pas d’issue pour l’instant. Et je sais que ça fait mal. Crois-moi, je sais exactement comment tu te sens. Mais Edison, tu dois rester clean si tu veux avoir l’espoir de retrouver la garde d’Henry. Tu dois démontrer aux services sociaux qu’il va être en sécurité avec toi. Henry était ta raison pour rester sobre et il doit le demeurer. » Les sourcils se froncent un instant et son regard s’égare. Il doit rester sobre. Il doit rester clean. Il ne doit pas baisser les bras. Il doit continuer à se battre même si tout semble se dresser contre lui.

« Je ne suis pas doué pour mener les combats --- », non pas du tout même, Edison a toujours préféré prendre la fuite, abandonner, ou baisser les bras. « J’sais même pas par où commencer … », son regard retrouve le sien et on peut y lire ce vide … le vide … une fois encore, il se retrouve au bord du vide sans la moindre idée de ce qu’il doit faire.

« Je ne suis pas doué pour mener les combats. J’sais même pas par où commencer … » Faith savait comment Edison se sentait. Elle avait l’impression de revivre elle-même cette douleur, lorsqu’elle voyait le dos voûté de celui qui se trouvait face à elle, du vide qu’elle lisait dans son regard. Elle ne pouvait pas le laisser tomber comme ça. Elle savait que la bataille qu’il s’apprêtait à mener serait difficile, mais il ne serait pas seul. Elle serait présente pour lui à tous les instants et tant qu’il voulait d’elle auprès de lui. Parce que s’il ne voulait pas d’aide, malheureusement, elle savait qu’elle ne pourrait pas insister. Il fallait qu’il accepte qu’elle soit à ses côtés. Elle mit sa main dans son dos et entreprit de faire des ronds sur celui-ci dans un geste qu’elle voulait rassurant. « Tu as déjà commencé Edison. Tu as appelé à l’aide à la place de succomber à l’alcool. C’est déjà un pas vers l’avant alors qu’avant, je ne doute pas que tu aurais bu ta peine. Je sais, j’aurais fait pareil sinon pire à ton âge. » L’alcool avait été si longtemps dans la vie de Faith que c’était devenu un réflexe. Il avait fallu que Noah s’accroche au plafond de leur appartement pour qu’elle comprenne enfin qu’il fallait qu’elle fasse quelque chose pour changer, pour guérir. Encore aujourd’hui, lorsqu’elle vivait quelque chose de difficile à surmonter, elle se dirigeait vers un supermarché et elle prenait une bouteille de vin. Elle avait toutefois toujours réussi à la remettre sur la tablette et à se diriger par la suite au centre pour les alcooliques anonymes. Elle tentait de se souvenir du sentiment qu’elle ressentait à chaque fois qu’elle avait rechuté après le décès de son mari. Elle ne voulait plus vivre cette culpabilité. « C’est difficile. Je sais que c’est difficile. Mais tu seras fier de toi dans quelques années lorsque la tempête sera passée. Pour l’instant, essaie de prendre soin de toi. Et de t’entourer. Tu vas avoir besoin d’aide et d’être en forme pour mener la bataille. » Faith ne voulait pas lui faire de cachoterie. Elle savait que les guerres en droit de la famille n’était pas facile, qu’elles écorchaient souvent les deux parties, mais au final, c’était pour le bien d’Henry qu’il fallait se battre et elle savait que d’être privé d’un de ses deux parents n’était pas l’idée pour un enfant. Elle avait fait un stage au début de sa carrière dans le département de la protection de la jeunesse de Brisbane. Elle avait des bases qu’elle pouvait partager à Edison et des contacts qu’elle pourrait lui donner. Pas ce soir-là par contre… Elle avait l’impression qu’il avait plus besoin d’encouragement, de réconfort. C’est d’ailleurs ce qui la poussa à lui poser la prochaine question. « Je peux te prendre dans mes bras ? » Elle ne savait pas s’il était plutôt tactile ou non. Elle préférait lui demander plutôt que de le prendre au piège.

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26 mars 2024. Le géant a toujours eu le rôle du clown. Du plus loin qu’il s’en souvienne, il a été le Edison qui fait rire, qui fait sourire. Il est celui dont on ne connaît pas les secrets. Il est celui qu’on pense connaître. Il est celui à qui on se confie mais celui qui ne se confie pas. Il est celui qui écoute mais il n’est pas celui qui s’épand sur ses émotions. Beaucoup se sentent proches de lui sans avoir vraiment conscience qu’ils ne connaissent rien de lui. Le géant ne montre jamais ses faiblesses, ses fêlures alors il n’est pas habitué à ce genre de gestes … cette main posée dans son dos qui se veut rassurante et réconfortante. Il ne sursaute pas. Il ne s’en offusque pas. Il l’apprécie à sa juste valeur. Il a le sentiment que ce simple geste a l’effet d’une vague de chaleur et ses muscles semblent même se décontracter. « Tu as déjà commencé Edison. Tu as appelé à l’aide à la place de succomber à l’alcool. C’est déjà un pas vers l’avant alors qu’avant, je ne doute pas que tu aurais bu ta peine. Je sais, j’aurais fait pareil sinon pire à ton âge. » Les paupières se ferment un instant. Il approuve. Il acquiesce. Il est différent aujourd’hui. Il n’est plus le même. Il encaisse les coups que lui offrent la vie sans scier. Il y avait le décès brutal de son père, son bourreau il y a quelque mois, puis le départ subit de Jenna. Pourtant, pas la moindre goutte d’alcool, pas le moindre joint, pas la moindre ligne de cocaïne. Il était resté clean. Pourtant, il savait ce que cela provoquerait … cela le détendrait, cela fermerait les portes du deuil, de la colère, de la peur, de la tristesse. Cela endormirait ses émotions pour le laisser respirer. Juste quelques heures. « C’est difficile. Je sais que c’est difficile. Mais tu seras fier de toi dans quelques années lorsque la tempête sera passée. Pour l’instant, essaie de prendre soin de toi. Et de t’entourer. Tu vas avoir besoin d’aide et d’être en forme pour mener la bataille. » S’entourer. Il n’était pas doué pour ça. Il ne laissait pas grand monde entrer dans sa vie … tout en restant le bon pote, c’était son art. Il tourne la tête vers elle. « Je peux te prendre dans mes bras ? »

Ses poumons se remplissent d’air dans une profonde inspiration quand elle lui pose cette question qui semble être bénie. Le prendre dans ses bras. Lui le géant. Il avait été habitué à l’inverse. Il n’avait pas encore eu l’occasion de venir se loger dans les bras d’une personne qui veillerait à le réconforter. Il ne savait même pas comment s’y prendre. Et pourtant, il acquiesce faiblement d’un signe de tête et il la laisse venir enrouler ses bras autour de lui et il fait de même. Ses bras s’enroulent autour d’elle et elle devient son rocher. Son île. Il ferme les yeux un instant et ne sait même pas combien de temps il reste comme ça, à lâcher prise, à tout relâcher. Un instant de paix. Une pause au cours de cette tempête.

Doucement, Edison relâche sa prise et la libère. Un fin sourire semble avoir pris possession de ses lèvres, un merci. Les mains tatouées du géant se posent sur ses joues et les tapote comme pour essayer de reprendre de sa superbe. Il prend une profonde inspiration. « J’vais finir par croire que t’es un ange gardien, Faith … », dit-il en secouant légèrement la tête, « ou du moins que t’es en train de devenir le mien. » Il soupire de nouveau. « J’aimerais pouvoir te rendre la pareille --- j’ai l’impression d’être une putain de sangsue » Demander de l’aide. Pas son truc. Se montrer vulnérable. Encore moins. Il tourne la tête vers elle pour la regarder. Il espère pouvoir lui rendre la pareille un jour, être là pour elle tout comme elle l’était actuellement pour lui. « T’es pas obligée de me dire que c’est pas le cas, c’est carrément le cas et j’en ai conscience … », une voix rieuse, nerveuse. « C’est fou d’se dire qu’on a absolument besoin d’aide de personne pour foutre sa vie en l’air mais que dès qu’on essaie d’être à peu près quelqu’un de bien, on a besoin d’un petit coup de main … »

Être présente pour son prochain. C’est pour cette raison que Faith avait décidé de s’inscrire au cours d’assistante sociale à la base, avant d’être alcoolique. Et lorsqu’elle s’était sentie assez solide après le début de sa réhabilitation, elle avait décidé d’être marraine. Elle voulait pouvoir partager son expérience dans la guérison, accompagner ceux qui avait besoin de l’être. Elle ne prétendait pas pouvoir sauver tout le monde, mais elle pouvait donner un coup de pouce à ceux qui voulaient faire des efforts pour tenter de s’en sortir. Elle devait garder en tête qu’elle ne pouvait pas faire le travail pour ces gens par contre et qu’elle ne serait jamais la cause de la rechute. Apprendre à se mettre un peu moins de pression sur les épaules faisait également partie de sa thérapie. Lorsqu’Edison lui donna la permission de le prendre dans ses bras d’un faible mouvement de la tête, elle s’approcha doucement du rebord de son tabouret et entoura l’homme de ses bras. Il était beaucoup plus grand et avait une stature beaucoup plus carrée que la sienne, mais elle avait l’impression que c’était un petit garçon. De la manière qu’il s’accrocha à elle, elle eût l’impression que c’était exactement ce dont il avait besoin à ce moment-là. Elle prenait soin de respirer lentement pour qu’il sente les mouvements de sa cage thoracique et qu’il puisse calquer sa respiration sur la sienne. Elle ajouta un petit mouvement rond d’une main pour ajouter à l’effet apaisant de cette étreinte. Elle le sentait se détendre tranquillement et c’est exactement ce qu’elle avait voulu faire en lui proposant de le prendre dans ses bras. Elle resta là, immobile, jusqu’à ce qu’elle sente qu’il la relâchait. Elle reprit place sur son banc. « J’vais finir par croire que t’es un ange gardien, Faith… ou du moins que t’es en train de devenir le mien.» Elle lui fit un petit sourire. Ça lui faisait du bien à elle aussi de savoir qu’elle aidait quelqu’un. Edison pouvait avoir l’air imposant et fort derrière ses tattoos, mais il avait besoin de quelqu’un qui prenait soin de lui et elle serait là qu’il en aurait besoin. « J’aimerais pouvoir te rendre la pareille, j’ai l’impression d’être une putain de sangsue. T’es pas obligée de me dire que c’est pas le cas, c’est carrément le cas et j’en ai conscience … » Elle soupira. Elle espérait vraiment qu’elle ne lui faisait pas sentir qu’il la dérangeait puisque ce n’était pas le cas. « Il n’y a personne qui m’a obligé à devenir ta marraine, ni à être ici aujourd’hui. Ça me fait plaisir de t’aider Edison. Je n’ai pas pu être présente pour ma fille. Maintenant, je veux venir en aide à ceux qui en ont besoin. Peut-être que ça me donne l’impression de me rattraper, je ne sais pas. Mais tu es une bonne personne et je veux te donner le coup de main nécessaire pour t’en sortir. » Elle aimait bien penser que tout le monde arrivait sur son chemin pour une raison spécifique. Et elle espérait qu’Edison était là pour l’aider à se pardonner elle-même d’avoir laissé Ella dans sa famille d’accueil en Irlande. « C’est fou d’se dire qu’on a absolument besoin d’aide de personne pour foutre sa vie en l’air mais que dès qu’on essaie d’être à peu près quelqu’un de bien, on a besoin d’un petit coup de main … » Elle comprenait exactement ce qu’il voulait dire. Elle l’avait beaucoup trop expérimenté. « Tu apprendras comme ça qui sont les gens qui comptent pour toi, qui seront ceux qui sont prêt à être présent peut importe ce qui arrive et je suis certaine que tu pourras leur remettre ça un jour ou l’autre. »

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26 mars 2024. Elle sourit à sa remarque et son sourire le lui confirme. Elle n’a pas conscience du rôle qu’elle joue. Elle n’a pas vraiment conscience du combien elle est devenue essentielle et importante dans sa vie et ça la rend encore plus … parfaite ? Non, il ne la voit pas comme quelqu’un de parfait mais vraiment comment quelqu’un sur qui on peut compter, quelqu’un de bien et il sait combien ils se font rares de nos jours. « Il n’y a personne qui m’a obligé à devenir ta marraine, ni à être ici aujourd’hui. - cette remarque lui coûte un sourire, ses lèvres s’étirent et il acquiesce d’un signe de tête avant de baisser le regard légèrement – Ça me fait plaisir de t’aider Edison. – à cette remarque, Edison relève la tête pour la regarder – Je n’ai pas pu être présente pour ma fille. Maintenant, je veux venir en aide à ceux qui en ont besoin. Peut-être que ça me donne l’impression de me rattraper, je ne sais pas. Mais tu es une bonne personne et je veux te donner le coup de main nécessaire pour t’en sortir. » Elle l’aide et sans s’en rendre compte, il l’aide. C’est du donnant-donnant. Ils se réparent peu à peu à leur manière. Il ne connaît pas toute l’histoire de Faith, juste quelques bribes qu’elle partage au cours de différentes réunions le moment venu. Il ne connait pas tous ses secrets mais il sait que peu importe ce qui a pu se passer au cours de son passé, elle est en train de changer la donne avec son présent. C’est ce qui compte : ce que l’on fait de sa vie, de ce moment présent et de son futur. Il lève une épaule. « Une bonne personne. Que tu me vois comme ça … », il sourit et on peut voir combien il est gêné ou touché par cette idée, « ça me pousse à essayer de l’être … » C’était peut-être ça le secret. On avait passé sa vie à le voir comme le sale gosse, le gamin à problèmes, l’homme à problème, le cliché du gros bras aux tatouages … il avait été catégorisé dans une espèce de cliché auquel il essayait de répondre. Dans son regard à elle, il se voyait différemment car elle le voyait différemment. Et vous savez quoi ? il préférait cette vision de lui-même.

« Tu apprendras comme ça qui sont les gens qui comptent pour toi, qui seront ceux qui sont prêt à être présent peu importe ce qui arrive et je suis certaine que tu pourras leur remettre ça un jour ou l’autre. » « Tu seras au top de ma liste, Faith. » Et son épaule vient coller la sienne pour la bousculer doucement. Une promesse. Sûr qu’il veillera à lui rendre ce qu’elle était en train de lui donner.

« J’ai envie d’avoir mon fils dans ma vie mais parfois, juste parfois, je me demande si j’en serais à la hauteur --- l’idée d’être avec lui, rien qu’avec lui, » son regard dérive et il a un air pensif, « j’ai vraiment pas envie de merder, de pourrir sa vie … l’idée est qu’il ait absolument tout ce dont il a besoin. J’sais pas si avoir un père ex-toxico en fait partie … » La peur d’être égoiste. La peur d’échouer. Elle est toujours présente dans un coin de son esprit.