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La vie compliquée d'Elwyn Cadburry. Comment s'attendre à ce que quelqu'un d'autre puisse le comprendre? La plupart du temps, il n'arrivait pas lui même à vivre avec ses propres pensées alors, il était bien difficile d'imaginer qu'on allait pouvoir l'arrêter à un moment donné. Cette soirée en avait été un exemple parmi tant d'autres, sauf que, cette fois, c'était sa voisine qui avait dû tenir le coup des heures durant avec ses idées loufoques en ligne de mire. Qui aurait imaginé qu'un quarantenaire pouvait encore s'amuser d'un château gonflable dans son salon? Il n'y avait qu'Elwyn pour avoir ce mode de vie, qu'Elwyn pour en être fière et inviter la jeune artiste à la rejoindre pour faire des sauts comme des gamins. L'âge adulte ne lui collait pas spécialement au teint, à Cadburry, mais il avait dû faire avec, le temps l'y aidant plus ou moins. Maintenant, sa vie était un sacré fatras mais il y avait Nea pour le ramener en plein vol, ce que Lisbeth remarqua bien rapidement. Elwyn se gratta le crâne en entendant sa remarque mais cela n'empêcha pas le geek de relancer la conversation sur autre chose, comme s'il allait être un modèle photo avec son salon dans un état pareil. Il ne connaissait pas beaucoup de limites le sacré Elwyn, et là, il était relativement sobre alors il valait mieux ne pas imaginer ce que le tout donnerait s'il avait abusé des coupettes de la galerie. "Va falloir que je m'y résolve, oui, sinon Nea va m'arracher la tête parce qu'on peut plus circuler dans l'appart'... Mais je trouverais autre chose, t'en fais pas." Il avait toujours plein d'idées pour énerver autrui et ce soir-là n'en était qu'un exemple parmi des milliers d'autres. Pour le moment, il était temps de faire son hôte exemplaire puisque Lisbeth envisageait de se retirer après ce début de nuit digne des plus grands récits fantasques jamais écrits. Elwyn sourit en s'approchant de la porte d'entrée en compagnie de la jeune femme. "Ce fut un plaisir, en tout cas. Et on en reparle de ce dîner, bien sûr, bonne nuit voisine!" Et voilà, la porte claqua et Elwyn put aller se coucher de tout son long au milieu de son château gonflable, sa dernière nuit avant de l'enlever. Autant en profiter à fond, le môme.

"Ok c'est bon, j'ai compris..." fait Lisbeth en souriant malicieusement quand Elwyn perd ses mots à propos de la situation entre sa colocataire et lui. Lisbeth n'en est pas à son coup d'essai concernant les amitiés améliorées. Certes, elle n'a jamais eu l'occasion de tester ça avec un colocataire étant donné qu'elle a toujours vécu seule ou en couple, mais elle se doute que ça doit apporter son lot de bons côtés. Comme de mauvais, en cas de litiges ou de réel attachement à sens unique... Ce genre de relation peut être à double tranchant, et parfois même briser des coeurs. Voyant que la question semble gêner Elwyn, Lisbeth enchaîne sur une possible création basée sur l'utilisation du château gonflable de son voisin. "Tu comptes l'enlever ?" questionne-t-elle, le regard perdu au plafond du château. "C'est dommage, ça donne du cachet à ton salon je trouve..." plaisante-t-elle ensuite. "Pour le bordel, rassure-toi ça se masque très facilement. Y'a qu'à tout glisser sous le canapé, tiens !" propose la brunette. "Pourquoi pas, le côté décalé y serait carrément ! Ça pourrait très bien rendre..." argumente-t-elle à propos de sa vision. Elle se promet d'en parler à un ami photographe qu'elle connaît très bien, et décide d'amorcer un geste pour s'extirper du château gonflable. "Il va être l'heure pour moi de rentrer, le vernissage de l'exposition m'a réellement éreintée... Je crève d'envie d'un bain bouillant !" se plaint Lisbeth en se relevant finalement. Elle prend une seconde pour s'étirer, puis se dirige mollement vers l'entrée où elle a abandonné ses chaussures. "C'était vraiment sympa de ta part de venir à mon vernissage, en tout cas. Et également de m'inviter chez toi !" lance Lisbeth une fois qu'elle a remis ses escarpins. "Pour qu'on s'organise ce dîner, tu sais où frapper, du coup..." rappelle-t-elle, malicieuse, avant d'ouvrir la porte. "A bientôt, cher voisin !" lance-t-elle depuis le couloir une fois qu'Elwyn est venu lui dire au revoir. Elle n'a pas beaucoup de marche pour rentrer chez elle, seulement deux étages à monter...

Elwyn n'était jamais rentré dans un seul moule. Trop bavard, trop sociable, trop intelligent, trop chiant, trop tout. Les gens autour de lui avaient vite fait d'abandonner la lutte puisqu'il passait constamment du coq à l'âne, débutant par une dissertation sur les besoins physiologiques majeurs des poneys pour terminer sa tirade par un charabia incompréhensible en rapport avec la théorie de la relativité. Au milieu de tout cela, il y avait eu pas mal de virages, forcément, et en général, il ne remarquait même pas que les trois quarts de ses interlocuteurs étaient partis en courant. Il avait beau se remettre en question tous les jours, cela ne l'empêchait pas de continuer dans la même veine parce qu'il était né ainsi sûrement, qu'on ne l'avait pas doté d'un filtre et qu'il était trop tard pour le changer. A quarante berges, ce n'était pas si étonnant de toute façon et les gens allaient finir par s'accommoder, non? En tout cas, Lisbeth avait l'air de le faire, ce qui était relativement surprenant puisqu'elle ne l'avait jamais réellement côtoyé avant ce soir-là. Il était comme d'habitude pourtant, à parler de tout mais surtout de rien, sans que ses discours n'aient de rapport avec les mots prononcés par sa camarade... Fatiguant, vraiment. Il souriait néanmoins, peut être parce que la conversation dérivait vers Nea et c'était toujours un sujet qui le rendait mielleux. "Dans un autre genre, je dirais. Tu te feras ta propre opinion, bien sûr." Burkhardt avait d'autres travers, la colère en premier lieu et cette manie de fuir quand les moments devenaient trop sérieux également. Elle n'avait aucune raison de fuir devant leur voisine, c'était déjà cela. Vraiment, il n'y avait aucune raison pour qu'une telle rencontre se passe mal. "Euhh... Disons que... Enfin... C'est... On est... Enfin, tu vois." Très clair, Elwyn. Ils étaient plus que des colocataires, évidemment mais comment l'expliquer à d'autres? C'était tout bonnement impossible alors, il valait mieux parler de châteaux gonflables et d’œuvres d'art, beaucoup moins risqué. "Ah bah, si tu veux prendre des photos, faudra en profiter tant qu'il est là, dans ce cas! On essayera d'occulter le fait que le salon est en bordel m'enfin... Ah, parce que tu voudrais que je fasse modèle? T'es pas prête d'avoir un rendu sérieux parce que là, tu me lances un défi plus ou moins et j'ai tendance à les relever, vois-tu." Il était fort capable de se ramener en princesse pour prouver ses dires et là, tout pouvait partir en vrille. Puissance mille.

"On va dire ça comme ça, oui..." fait Lisbeth dans un sourire. Heureusement, qu'elle a un minimum de curiosité dans le domaine qui la guide depuis l'enfance. C'est d'ailleurs grâce à cela qu'elle a étendu son champ de compétence aux tatouages. Sans curiosité, elle n'aurait jamais passé le pas de la porte de chez Wild Ink, et elle n'aurait jamais demandé non plus à être formée au tatouage. "Tu crois ? Elle est comment ? Aussi barrée que toi ?" demande Lisbeth à propos de la colocataire d'Elwyn, une fois qu'il l'a rassurée sur le fait qu'il ne l'inviterait pas de force chez l'artiste pour un dîner improvisé à trois têtes. "Comment ça, elle mord personne d'autre que toi ?" interroge-t-elle ensuite, un petit sourire malicieux au coin des lèvres. Curieuse comme pas deux, la Lisbeth. "Il se passe des trucs entre vous qui dépassent le simple statut de colocataire ?" s'intéresse la brunette, une fois allongée sur le flanc dans le château gonflable. "Je sais pas si ça peut servir d'oeuvre d'art, mais en tout cas ça pourrait servir de support pour un chouette shooting photo, crois-en mon expérience ! J'en ai vu, expositions photographiques avec d'étranges accessoires et dans des lieux inhabituels..." songe Lisbeth, en imaginant quelque chose avec Elwyn dans un tutu rose et une couronne, posant dans le château gonflable. Cette idée la fait rire, et elle ne tarde pas à susciter l'intérêt d'Elwyn. "Excuse-moi, je t'imaginais jouant les modèles dans un tutu rose et avec un diadème tout brillant. Avec ta barbe, je suis sûre qu'il y aurait moyen de faire quelque chose de très décalé !" avoue la brunette, toujours en gloussant. Elle pourrait toujours parler de cette idée aux quelques photographes qu'elle côtoie dans sa vie d'artiste... Si l'un d'eux peut être tenté par un projet complètement décalé, peut-être qu'Elwyn ne serait pas contre le fait de prêter son salon le temps d'une séance. Voire même de servir de modèle !

Tout le monde n'avait pas un enthousiasme aussi débordant que le sien. La plupart du temps, les gens le regardaient avec des yeux ronds et se contentaient de vite lui tourner le dos, histoire de se protéger de son aura de folie. Oui, les gens le considéraient comme un dingue alors qu'il avait juste plus de connaissances que la plupart des gens, était-ce un crime d'être une personne intéressée par tous les domaines? Pour certains, apparemment, oui. Même s tout cela gênait autrui, Cadburry ne comptait pas changer son fusil d'épaule et il continuerait très certainement à emmerder son petit monde avec ses savoirs inutiles disséminés ici et là. Ce soir, c'était Lisbeth qui devait en faire les frais, évidemment, elle ne comprenait pas un traître mot de ce qu'il pouvait sortir mais Elwyn n'avait pas l'air d'en être traumatisé. Il avait l'habitude qu'on ne le suive pas dans les tréfonds de son cerveau malade, ou tout du moins pas branché comme ceux des autres alors, il se contenta de lui sourire en lui répondant le plus simplement du monde. "Il paraît que j'ai un quotient intellectuel élevé mais c'est pas le genre de trucs dont il faut se formaliser, ce qui compte, c'est la curiosité. A partir du moment où t'as cette qualité, tu retiens énormément de choses. Tu dois aussi avoir ça comme compétence mais peut être plus dans le domaine artistique." Elwyn ne lui demandait pas si elle connaissait la théorie de la relativité ou les écrits de Nietzsche mais juste si elle s'intéressait aux travaux d'autres artistes comme elle. Il y en avait eu tellement et le quarantenaire devait avouer qu'il n'était pas un cador dans ce domaine là. Tout ce qu'il savait faire, c'était gribouiller des bonhommes en patate sur des feuilles dans les salles d'attentes donc, rien de fou en comparaison de sa voisine. Au moins, dans ce château gonflable, ils se retrouvaient à égalité, Elwyn l'écoutant lui demander une rencontre avec Nea au préalable, c'était vrai qu'elles ne s'étaient jamais vues et que se lancer dans un dîner entre voisins sans rien connaître d'une personne pouvait être déstabilisant. "Ah mais évidemment! Vous allez vous adorer, je suis sûr! 'Suffit que tu passes à l'appart' quand tu veux et tu pourras la croiser, je te rassure, elle mord personne d'autre que moi donc tu prends aucun risque si tu te laisses tenter par une double invitation à dîner chez toi!" Le tout devait sonner bizarre aux oreilles de la jeune femme mais on ne pouvait pas nier que le lien qui unissait les deux colocataires était particulier. Elwyn n'essayait pas de le classer de toute manière, c'était mieux ainsi. "Pfiou, il est vraiment confortable ce machin, je pourrais m'endormir là dedans sans souci... Et tu crois que ça peut servir pour une oeuvre d'art d'ailleurs?" Un château gonflable dans un salon, il devait certainement y avoir quelque chose à creuser, Elwyn en était persuadé.

Un moment de flottement se met en place. Lisbeth a les yeux écarquillés, elle n'a rien compris à ce qu'a raconté Elwyn. C'est au moins... La dixième fois de la soirée. Mais elle cela ne l'incommode pas pour autant, sachant très bien que cela ne fait pas partie de son domaine de connaissances. En revanche, elle ne s'attendait pas à ce qu'Elwyn soit aussi calé sur un sujet... incompréhensible pour elle. "Tu es sûr que tu n'es pas doté d'une intelligence supérieure dis-moi ? Retenir autant de chiffres et de valeurs qui n'évoquent rien de commun, c'est... surprenant," lance-t-elle, éberluée. Heureusement, le château gonflable est là pour lui faire reprendre ses esprits, même si son cerveau ne doit certainement pas apprécier de se faire ballotter dans sa boîte crânienne à chacun de ses bonds. Lisbeth rit une nouvelle fois à l'évocation d'une statistique dont elle n'avait aucune connaissance. Elle n'est même pas sûre de savoir ce qu'est une quinte flush, mais se retient de le demander. Elle se contente de rire, c'est déjà une réaction suffisante. "Il faudrait chronométrer, pour savoir," fait-elle néanmoins, presque songeuse. Elle est sûre qu'Elwyn serait capable de mieux que deux secondes. Leurs sauts se tarissent quelque peu à l'évocation de l'intérieur de Lisbeth, qui propose dans la foulée à Elwyn de se faire un dîner chez elle, à l'occasion. Elle a un mince sourire alors qu'il invite sa colocataire à ce supposé dîner. Lisbeth n'est pas contre le fait de rencontrer de nouvelles personnes, mais ça serait beaucoup trop sortir de sa zone de confort, et elle n'est pas sûre de pouvoir apprécier tout de suite. Le stress serait bien trop grand pour elle, d'autant plus qu'elle n'invite pas énormément de monde dans son appartement. "On pourra organiser ça, oui ! Mais je veux bien rencontrer ta colocataire dans un endroit... neutre, d'abord, si tu veux bien," fait-elle, pour arrondir les angles alors qu'elle s'allonge sur le flanc dans le château gonflable, face à Elwyn. "J'ai du mal à inviter chez moi des gens qui me sont inconnus..." précise-t-elle, consciente que son manque d'enthousiasme à cette proposition peut la faire passer pour beaucoup moins "funky" que lui.

Il n'avait pas si souvent l'occasion de se prendre pour un enfin. Elwyn essayait toujours à tout prix, pourtant. C'était son moment préféré, lorsque personne ne cherchait à le rendre adulte parce que, au fond, il n'en avait jamais été un. Il avait beau avoir quarante ans, Cadburry se comportait encore comme un môme de plus ou moins cinq ans mais apparemment, cela ne semblait pas tant outrée Lisbeth. Elle ne devait pas avoir l'habitude portant de côtoyer des gens comme lui, même si Elwyn ne doutait pas qu'il devait y avoir de sacrés numéros dans le monde de l'art. Comme quoi il y serait peut être à sa place si un jour, il était amené à changer de carrière. Pas tout de suite cela dit, il avait parfaitement le temps. "Ouais, c'est pour ça, il faut laisser le temps au temps pour que tout ça prenne un peu de valeur pécuniaire. Enfin, on dit ça mais, même la notion de seconde, c'est spécial quand on y pense. La seconde est la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les niveaux hyperfins F=3 et F=4 de l'état fondamental 6S1/2 de l'atome de césium 133." Heureusement, il s'était tu après cela, feignant une quinte de toux parce qu'il avait réalisé que ses mots ne devaient pas avoir le moindre sens pour quelqu'un comme elle. Elwyn devait rebondir, et vite, cela tombait bien qu'il était à l'intérieur d'un château gonflable. Il s'en donna à coeur joie le temps de quelques secondes supplémentaires avant de s'écrouler, écoutant les propos de sa camarade de jeu. "Je préfère pas essayer, non, vraiment, vous avez tout mon respect pouur tenir là dessus. Il y a autant de chances que je tienne deux secondes sur des talons que d'avoir une quinte flush royale, une chance sur 649740, c'est te dire." Bon, il exagérait peut être un peu. Il avait déjà essayé, pour la science et il avait peut être tenu trente secondes, ce qui était déjà une réussite en soi. "Une bouffe? Ah bah oui, totalement! J'adore la nourriture, on l'a pas vu avec le buffet et tu pourras me commenter tous tes murs dans ce cas! Ma coloc' pourrait venir aussi, tiens, histoire de connaître le voisinage." Aucune idée de ce qu'ils allaient bien pouvoir faire maintenant, Elwyn se retrouvant allongé dans son beau château gonflable, vivant sa meilleure vie. Le gamin.

"Cervalobéquoi ?!" bredouille Lisbeth avant d'éclater de rire en faisant le rapprochement, après examen de chaque partie du mot. "Ah oui, je vois... Le genre que tu peux revendre super cher des années après," se contente-t-elle de répondre. Pour l'instant, il y a bien mieux à faire aux yeux de Lisbeth, comme sauter dans le château gonflable couleur princesse ! Encore une chose qu'elle n'aurait jamais pensé faire avant d'avoir un jour des enfants... Et pourtant, la voilà en compagnie de l'un de ses voisins. Lisbeth est certaine que d'ici la fin de la soirée, il va lui proposer une séance de pêche aux canards. Ou de cache-cache dans l'appartement. "Eh bien..." songe Lisbeth à propos de la douleur à marcher en talons. Elle n'en porte pas à chacune de ses sorties et préfère que cela reste exceptionnel. Elle, elle préfère les talons plus larges, ou compensés. Elle n'aime pas vraiment à se torturer avec des talons aiguilles qui la trahiraient plus qu'ils ne la soutiendraient. "Ce doit être un gène dans notre ADN, je ne vois pas d'autre explication !" lance-t-elle en haussant les épaules, dans un large sourire de fierté. "Je t'avoue que ça fait vraiment mal, à la longue, par contre... Imagine passer toute une soirée sur la pointe des pieds ?" suggère-t-elle à Elwyn, pour qu'il imagine le calvaire que s'infligent les femmes pour avoir de longues jambes filiformes et un maintien sans pareil. "Oh, c'est loin d'être funky, chez moi..." répond Lisbeth, un peu gênée. C'est vrai que son appartement ne paie pas de mine à côté de celui d'Elwyn et son fameux château gonflable. Même si elle a refait la décoration il n'y a pas si longtemps, son lieu de vie n'a rien de bien particulier. "On pourra s'y faire une bouffe à l'occasion, mais tu verras qu'il n'y a rien de spécial... Sauf peut-être au niveau du foutoir, ou de ce que j'ai créé et accroché au mur, avant de pouvoir exposer !" ajoute-t-elle néanmoins, ayant une pensée pour ses quelques grands tableaux habillant ses murs blancs et mettant un peu de vie dans son habitat.

Elwyn trouvait toujours de quoi dire, ce n'était jamais un problème et ce, même s'il subissait le mutisme de certains de ses interlocuteurs. C'était ce qui était pratique avec lui, il ne savait jamais s'arrêter et se taire était apparemment une option indisponible le jour de sa création. Alors, sa famille avait dû faire avec et, désormais, c'était Nea qui devait le supporter plus ou moins à longueur de journée, pas étonnant qu'elle termine avec des problèmes de tension vu comment il la rendait folle. Cadburry avait un certain talent pour cela, pour s'entêter à enquiquiner son monde, ce qu'il avait d'ailleurs fait ce soir-là en se faisant bien remarquer à la galerie de Lisbeth. Sa voisine n'avait pas eu l'air d'être très dérangée ou même traumatisée par son attitude puisqu'elle l'avait suivi jusque là, participant activement à la conversation tout en s'apprêtant à passer un moment de retour en enfance à l'intérieur d'un château gonflable, le rêve de tout adulte qui se respectait selon les traditions d'Elwyn. "C'est un truc de génie, tu me diras si ça marche quand tu t'y mets dans cette histoire de contrats. Après, il y a toujours moyen de changer de carrière et devenir cervalobélophile si ça marche pas, ça fait fureur les collections de bières et de sous verres!" Il allait vraiment falloir qu'il apprenne à se taire, même si la jeune femme lui répétait qu'elle appréciait sa diatribe relativement incompréhensible. Elle n'avait pas l'air très méchante pour accepter qu'il soit aussi libéré sur son débit de paroles. Tant mieux, ainsi, ils pouvaient sauter joyeusement au milieu du château gonflable couleur princesse alors qu'Elwyn répondait aux questions de Lisbeth. Un moment normal, en somme. "J'aimerais bien réussir à porter ces instruments de torture là, mais je les laisse à Nea, c'est vraiment l'enfer vos machins. Comment on vit avec ça au pied?" C'était le lot quotidien de la condition féminine et tout cela dépassait largement Cadburry, c'était une certitude. "Comment t'as deviné que c'était mon prochain chantier pour l'appartement? Non, en vrai, j'ai rien de tout ça, tout est désespérément normal autrement. Je suis sûr que ton appartement doit être plus funky niveau déco, c'est comment chez une artiste?" Sûrement coloré, un peu fou mais plaisant. Elwyn ne voyait pas les choses autrement alors qu'il s'allongeait dans son château gonflable, parfaitement relaxé dans des circonstances pourtant si étranges pour des gens normaux.

Encore une anecdote sans grand rapport avec la situation mais qui ravit Lisbeth. Elle ne peut pas vraiment se vanter de ses voisins au vu de ce qui s'est passé deux ans auparavant, mais désormais elle peut se targuer d'avoir une véritable encyclopédie d'anecdotes toutes plus amusantes les unes que les autres pour voisin. "Je devrais faire le même genre de chose avec les contrats que je rédige pour des clients, sur Internet..." songe Lisbeth. "En tout cas, même si tu parles beaucoup, sache que ça ne me dérange en rien ! Ca contrebalance au moins mes silences..." ajoute-t-elle dans un grand sourire. Et c'est vrai : elle n'aime habituellement pas les gens qui bavassent car les silences sont très importants dans les relations sociales, mais l'aura d'Elwyn est vraiment appréciable. D'autant plus qu'il a un château gonflable, et ce n'est pas une possession que n'importe qui peut se vanter d'avoir... Dans son salon, qui plus est. Un être surprenant, qui s'est installé près de chez elle... La brunette ne tarde pas à rejoindre ce dernier dans son château rose de princesse, et à sauter avec parcimonie pour ne pas se retrouver les quatre fers en l'air. Elle n'a pas fait cela depuis des années qui se comptent en décennies, et elle porte une robe pas vraiment faite pour la chose... [b]"Une colocataire, d'accord ! J'ai remarqué la paire de talons, dans l'entrée, et même si je dois t'avouer que je me demandais si ce n'étaient pas les tiens, j'ai tout de suite pensé à une présence féminine dans ton appartement," explique Lisbeth d'une voix claire, en réduisant quelque peu la hauteur de ses sauts pour ne pas avoir à parler tout en étant essoufflée. [b]"Tu as encore d'autres surprises de ce genre dans ton appartement ? Oh, non, attends ! Je sais... Tu vas me dire que derrière l'un des miroirs se cache une espèce de Salle sur Demande ?"

S'il était difficile à suivre, Elwyn ne mentait jamais. Ce n'était vraiment pas son genre de raconter des bêtises par milliers, non, tout ce qu'il pouvait narrer, bien souvent à tort et à travers, faisait partie de la plus pure des réalités. Tous les savoirs inutiles du monde qu'il connaissait avaient été vérifiés au préalable en confrontant de multiples sources. Il ne fallait pas lésiner à ce sujet, c'était quelque chose de capital à ses yeux. Cadburry dédiait sa vie à la science, aux savoirs, aux expériences et si personne ne le comprenait, ce n'était pas pour autant qu'il allait changer de corde à son arc. Il continuerait jusqu'à finir épuisé par le monde environnant. Pour le moment, il s'accrochait tant bien que mal, entraînant Lisbeth dans son sillage parce qu'il n'y avait que lui pour lancer des invitations à base de château gonflable au milieu du salon. La jeune femme n'avait pas l'air d'être profondément traumatisée puisqu'elle suivit jusqu'à l'intérieur de l'appartement, s'étonnant encore des aptitudes verbales d'Elwyn. "Vraiment pas une blague, non. J'en fais rarement, finalement. Je suis pas comme Van Halen, disons. Lors de ses concerts, le groupe Van Halen exigeait un bol de M&Ms dans leur loge sans ceux de couleur marron. Cette requête, mentionnée au milieu des descriptions techniques, permettait de voir si le contrat avait été bien lu jusqu'au bout. Je fais pas ça, je dis la vérité mais par contre, clairement, je parle trop, ça a tendance à énerver d'ailleurs." Cela n'empêcha pas la jeune Lisbeth de le rejoindre à l'intérieur du château gonflable alors qu'ils se mettaient à sauter comme deux gamins. Elwyn passait un bon moment, forcément, dès qu'il s'agissait de retourner en enfance, il était le plus heureux des hommes. "Non. J'ai une colocataire. Elle envisage de me tuer environ trente fois par jour mais comme tu peux le voir, je suis encore vivant. Pourquoi?" Pas sûr qu'elle avait envie d'avoir tous les détails mais avec Elwyn, c'était presque impossible de passer à côté. L'insupportable.

Lisbeth tente de se concentrer sur la formule mathématique dont lui parle Elwyn, mais rien d'autre qu'une énorme envie de rire ne lui vient. "Ok, je suis complètement paumée !" avoue-t-elle en se laissant aller à son irrésistible éclat de rire. En préparant son vernissage aujourd'hui, elle ne s'attendait pas à passer une soirée autant en décalé. La voilà partie de la galerie pour se rendre chez Elwyn, chez qui il y aurait apparemment un château gonflable. Et son voisin a bien raison en disant qu'il s'agit de quelque chose de très cool. Très inhabituel, c'est sûr, mais cool avant tout ! Lisbeth émet une petite réserve tout de même, pensant qu'Elwyn se moque d'elle. Aucun adulte sensé n'irait installer un château gonflable chez lui s'il n'a pas d'enfants. Peut-être qu'Elwyn lui a caché qu'il en avait ? Ou alors, vit-il avec quelqu'un qui en a... Les possibilités sont multiples, et Lisbeth ne parvient pas à se fixer sur l'une d'elle. Elle s'en rendra compte bien assez tôt ! Ils parviennent sans encombre aucune à l'appartement d'Elwyn, et Lisbeth ne pense même pas à l'hypothèse qu'Elwyn puisse être un fou comptant l'emmener dans son antre pour la torturer. Elle le suit sans piper un mot, entrant alors dans ledit appartement, prête à faire face à la vérité. Et cette dernière apparaît à la brunette, qui ne s'y attendait vraiment pas. "Oh ! Ce n'était vraiment pas une blague ?!" s'exclame-t-elle en tombant nez-à-nez avec un énorme château gonflable effectivement en forme de château princier, et rose bonbon. Lisbeth écoute très distraitement son voisin parler d'une loi dont elle ignore l'existence, tout en retirant ses chaussures. "J'ignore comment tu sais toutes ces choses incroyables, mais ça a le don de bien me faire rire !" confie la brunette après qu'Elwyn l'a conviée à venir le rejoindre dans le château. Ni une ni deux, elle aussi se précipite à l'intérieur. Elle met quelques secondes à se relever pour accompagner Elwyn dans ses sauts. Elle n'a plus du tout l'habitude de ce genre de mouvements et doit à tout prix se caler sur son voisin, sans quoi elle va se retrouver très vite à terrer ! Ou avec sa robe déchirée, c'est selon. Elle se relève doucement, un pan de sa longue robe à la main, et se met à sauter en compagnie de son voisin. "C'est absolument génial !" s'extasie-t-elle en riant. En enlevant ses chaussures, elle a remarqué des affaires plus féminines dans l'entrée, aussi demande-t-elle à Elwyn en réduisant l'intensité de ses sauts : "Tu vis seul, dis-moi ?"

Son raisonnement était toujours en parfait décalage avec celui d'autrui... Oui, les gens normaux. Elwyn n'avait jamais fait partie de cette catégorie de personnes puisque les individus sains d'esprit ne passaient pas leur temps à peindre des figurines à mettre sur une commode après avoir passé cinq heures devant des documentaires animaliers sur le câble. Cadburry était capable d'occuper n'importe quelle journée de cette façon, ennemi total de l'ennui car son cerveau fourmillait toujours de milliards d'idées, toutes plus idiotes les unes que les autres. En tout cas, c'était ainsi que les autres les considéraient... Comment cela un château gonflable dans son salon? Le parrainage d'une baleine bleue? La création d'un gâteau mi salé mi sucré mi amer mi acide? Pour Elwyn, tout cela était considéré comme des concepts à prendre très au sérieux. Autant dire que ce n'était pas aisé de le supporter au quotidien et s'il n'était pas tombé sur la colocataire la plus patiente de l'univers, il aurait très certainement fini par se faire jeter même d'un centre d'accueil pour sans domicile fixe. Il parlait beaucoup trop pour son propre bien, c'était une réalité que le quarantenaire ne pouvait plus nier depuis au moins deux décennies et c'était sa voisine qui allait devoir supporter tout cela ce soir-là. "Mais c'est super important tout ça! C'est comme a "notation polonaise inverse" qui est une forme d'écriture des formules arithmétiques sans utiliser de parenthèses. Ainsi le calcul : A * (B + C) + D * (E + F) s'écrira en NPI : B C + A * E F + D * +, c'est terriblement passionnant comme sujet!" Juste pour lui. Sa pauvre voisine ne devait pas savoir quoi faire e cette information puisqu'elle était artiste, pas mathématicienne, en témoignait la dizaine d’œuvres autour d'eux à cet instant précis. "Une baleine sur roulettes? Va falloir tester, je te fais un dessin industriel pour la semaine prochaine, faudra juste que tu me précises les dimensions de tes oeuvres et le nombre pour voir si ça le fait!" Il n'était même pas choqué par ce genre de propos, c'était ceux qu'il avait constamment alors que Lisbeth se laisse un peu aller vers cette tendre connerie elwynienne était une excellente chose à ses yeux. "Parce que c'est trop bien les châteaux gonflables? Oui,j'ai quarante ans!" Il n'avait pas d'autres justifications, il ne pouvait même pas dire que c'était pour Theo, le môme était trop vieux pour ce genre de distractions. Cela n'empêcha pas Elwyn d'entraîner sa voisine dans l'aventure, alors qu'ils se retrouvaient quelques minutes plus tard en bas de leur immeuble. "Tu vas adorer, il est en forme de château de princesse, tout rose, magique!" Il l'entraîna ensuite dans l'escalier avant d'ouvrir sa porte, Nea étant absente ce soir là. A peine arrivé dans le salon, il retira ses chaussures et fonça dans le château pour sauter comme un gamin. "Il y a franchement rien de mieux... Enfin, si peut être que la loi de Dolbear concurrence un peu. Pour connaitre approximativement la valeur de la température ambiante en degrés Celsius, il suffit de compter le nombre de stridulations d'un grillon pendant 7 secondes puis d'y ajouter 5, c'est aussi fou que ce château, viens donc!" Et ce n'était que le début de la soirée, grand dieu.